24 septembre 2014

Les orages d'été





         Dimanche matin, 6h il est réveillé, week-end  ou pas, c’est la vessie qui commande. Bon, ben y’a plus qu’à… Les chats campent déjà devant la cuisine. Eux non plus ne connaissent pas de fin de semaine… Mettre l’eau à chauffer pour le café, nourrir les fauves, tous ces petits gestes matinaux qui rassurent... Pffff hier à la télé ils avaient dit qu’on pouvait dormir une heure de plus ouais ben… les chats, mon bonhomme et sa vessie,  ils devaient pas être au courant.

        On sirote notre café au lit, en silence. Enfin JE sirote parce que loulou, lui, il boit ça comme une purge, d’un trait. La modération, connait pas. Et il me tend sa tasse vide d’un air satisfait. Il a encore une goutte de café au lait qui lui coule du menton. Va pas me tacher les draps propres, je l’essuie avec mon doigt. 

     6h15 cafés bus, on fait quoi maintenant ? Allez mon loulou on va essayer de se rendormir un peu, hein… lumière éteinte, couette remontée jusqu’aux oreilles, je ferme les yeux. Et là ça commence. La jambe droite qui s’agite, le genou qui me remonte dans le dos. Je pose ma main sur sa cuisse, contrôle mon gars, contrôle. Je perçois un début d’agacement dans son soupir. Oh discret au début, un soupçon. Il se tourne sur le dos et m’embarque la couette au passage. Je m’accroche bien un peu, pour la forme mais je sais que c’est foutu. Il ne se rendormira pas et moi non plus. 





    7h j’allume la télé. Des dessins animés débiles aux couleurs criardes, des télé-achats , « thé ou café »  sur la 2. La voix de l’invitée de ce matin, m’énerve, j’éteints. Silence. Y’a bien Mathieu Ricard et  son éloge de la bienveillance qui me fait de l’œil sur la table de nuit mais loulou ne me laissera pas lire. Il s’ennuie déjà. Bon, petit déj’ ? Son œil gourmand s’allume. Bol, flocons d’avoine, lait, micro-ondes… j’en profite pour allumer l’ordi. Ça y est, il râle. 2 minutes tout seul dans le lit et il se croit abandonné.  Miel dans le porridge, une goutte de lait froid et je suis à côté de lui. Son regard est sombre, il a perdu le sourire. Je sens le gros nuage arriver. Manger n’y changera rien. Mes câlins non plus, pas plus que les pitreries habituelles. Sa jambe droite bouge de plus en plus, sa main aussi. Pas bon signe, ça. Il garde obstinément la tête basse, me regarde par en-dessous, ça non plus c’est pas bon signe. Je vois déjà les éclairs dans les yeux.  Je lui caresse le menton,  barbe de 3 jours. Il a les cheveux en bataille, la crinière du lion qui broussaille. « Je te prépare tes affaires et je te douche ? » il acquiesce la tête toujours basse.

     Vêtements sur le lit, matériel prêt, je passe à la salle-de-bains. Le temps de faire couler l’eau chaude, de placer le siège de douche, ça y est, il rugit.  Premier coup de tonnerre, les affaires volent du lit, un oreiller aussi. J’interviens avant que les  autres ne suivent, ainsi que la lampe et tout ce qui lui tombe sous la main. Les chats ne s’y trompent pas, ils ont déjà déserté la chambre. La journée commence bien. Les ablutions matinales ne changeront rien à sa mauvaise humeur. Il refuse le rasage, ouvre à peine la bouche pour le brossage des dents et recrache le dentifrice rageusement. J’évite de justesse l’eau de rinçage, rodée que je suis.  Shampoing, gel douche, aucune participation ce matin, sa mauvaise volonté est évidente. Rinçage, faire vite mais faire bien. Le chat miaule au moment où je lui rince la tête, bien sûr il ouvre les yeux, bien sûr il se colle du savon dedans, bien-sûr, il râle. Je ne retiens pas mon soupir, advienne que pourra. Essuyage méticuleux, il est douloureux ce matin. Mal partout, la peau sensible. Même les chatouillis des pieds qui le font tant rire d’habitude ne lui arrachent que des grimaces. T’as mal là ? Oui. Et là ? Oui. Là aussi ???? OUI !!! Ben t’as mal partout ce matin ? OUI !! Il se prend la tête à deux mains, je me sens nulle avec mes questions à deux balles. 

      Sec, direction la chambre. L’habillage est fastidieux. Pieds à l’équerre pour enfiler le pantalon, mains qui évitent les manches du sweat, il me les fera toutes, ce matin. Habillé, réchauffé direction le salon.  Et là c’est la crise. Pas le temps de mettre la musique, pas le temps de dire ouf, il hurle, arrache son sweat, fait voler ses chaussons, démonte le canapé, gestes obscènes des deux mains, grimaces affreuses… 2 ou 3 cris. J’ai tiré le fauteuil pour éviter un missile, m’y suis assise et… j’ai attendu que ça passe. 

    Il est là, torse et pieds nus, essoufflé, encore quelques torsions de la bouche et c’est fini. Ce fut bref mais intense. Je laisse le silence s’installer de nouveau en allumant ma première cigarette. Il  garde la tête basse, regarde autour de lui le chaos ambiant et tend la main vers le chat venu en éclaireur. Voilà, c’est fini. Il lève la tête et je sens poindre un sourire timide. Café ? Oui, c’est bien. J’accueille ce « c’est bien » avec tout le respect qu’il mérite. C’est la trêve. Attendre encore quelques minutes avant de le rhabiller, qu’il ressente les bienfaits de la chaleur revenue. Sa jambe et sa main ne tressautent plus, son corps est au repos. Le deuxième café sera avalé aussi vite que le premier, la goutte sur le menton en moins, le sourire en plus. Le vieux chat vient se nicher dans ses bras avec d’infinies précautions, il l’accueille avec bienveillance. Y’a téléfoot à la télé, tu veux ?- c’est bien. Oui, c’est bien.  Chez nous, les orages d’été, c’est toute l’année…. Ça fait un peu de dégâts, ça griffe un peu le cœur, mais c’est bien… parce que ça ne dure pas…. 

1 commentaire:

  1. quotidien tumultueux,chez kat comme pour beaucoup d entre nous.ces lignes m ont faites montees les larmes aux yeux,tellement nos cotidiens se ressembles et sont parfois tres dures a gerer,mais on serre les dents et l on continu a avancer,nous n avons souvent pas le choix.l amour est plus fort que la souffrance,meme si parfois.......nanouchka

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